L’essentiel est de prendre plaisir. Mes récits de course à pieds du marathon au 24 heures et autre délire en tout genre.
Steenwerck 30/4 /2008
Punaise ! Quand j’ai posté l’inscription, mon trouillomètre affichait un pourcentage des plus élevé.Une olive dans mon moule boule et je te faisais un litre d’huile première pression ultra vierge.
Déjà un an que j’ai accompagné manuwack59 sur cette même épreuve en tant qu’accompagnateur, c’est comme si c’était hier. Oui, je sais, il faut être zinzin pour défier ce que l’on a constaté avec une optique différente. Mais bref, comme j’aime à dire : « plus c’est fou plus c’est moi ».On ne vient pas sur un 100 bornes les mains dans les poches, une préparation des plus méticuleuse s’impose, plus elle sera réfléchie, préparée, acceptée et mémorisée et plus elle sera fluide.
Chaque chose que je faisais banalement devient, dans les
jours précédents l’épreuve, des actes importants, je dirai même essentiels en leur apportant un soin tout particulier. Pour résumé je m’harmonise avec mon corps, rien ne doit dépasser, tout doit
être fluide, je ne m’autorise aucun doute, aucune ignorance, aucune zone d’ombre.
Depuis quelques semaines j’avais opté pour la méthode cyrano, sachant pertinemment que mon point faible c’est mon poids (100 kg).
La rigueur doit et sera de mise, économiser sur ce qui est possible, ce qui me permettra de grapiner de nombreuses minutes.
De la théorie qui ressemble étrangement à un plan de bataille
A la louche, j’ai calculé de courir à une vitesse comprise entre 8,5 et 9 km/h pendant 10 mn et de marcher 45 sec .Tenir au moins jusqu’au 60ème kilo. En profiter pendant ces courtes poses pour m’hydrater et pour grignoter. Ensuite descendre à 9 mn de course pour toujours 45 sec de marche et 8 mn pour 1 mn.
Carte des boissons (non alcoolisées):
Eau pure, eau avec maltodextrine et pulco ainsi que coca cola, tout cela dans des petites bouteilles d’un demi-litre sauf pour le coca que j’ai préféré mettre dans une gourde histoire d’éviter les éclaboussures.
Amuses-gueules :
Pour la nourriture j’ai opté pour des barres « ovomaltine » ainsi que des « isostar » des pates de fruits (je n’en ai mangé qu’une seule), des barres à la noisette, quelques gels et bien sûr un chargement de biscuits tuc.
Les épices :
Sporténine et cachets de sel
Le mental mijote doucement comme un plat aux milles saveurs, tous les points ternes de ma vie me serviront de combustible pour éclairer la nuit, ma nuit.
Mon véhicule en stationnement sur le parcours nous permet de nous recharger en ravito. Laurent me dépasse (facile il est à vélo) pour aller « charger » la mule, des précieuse minutes seront gagnées.
Je ne m’arrête pas aux ravitaillements et pourtant j’ai payé une inscription qui m’autorise à becqueter gratos pendant 24h, beaucoup de minutes seront gagnées ici également.
Tu caresses la vie et son opposé en permanence, tu es ton bien et tu es ton mal, en toi le combat s’opère silencieusement. Les foulées deviennent rasantes. Des anges m’ont accompagné en me souriant furtivement derrière les faisceaux des frontales, nous étions bien.
Mon plan de bataille était respecté à la lettre, l’heure théorique n’avait aucune importance, seuls les décomptes de Pégase en avaient. J’avoue que parfois je doutais de lui. « Laurent ! y’est pas l’heure ? », « encore combien ? » Le nombre de fois qu’il m’a dit « décidemment un vrai métronome », « il ne te reste que quelques secondes ».
Un sandwich jambon beurre gruyère râpé m’a sauvé la mise, gloire à toi Saint casse dalle !
J’en ai becqueté la moitié à la fin du troisième tour, Laurent refusa le reste fort heureusement pour moi car dans le dernier tour j’ai religieusement croqué le reste bouchée par bouchée à chaque intervalle de marche. Plus goût à rien, un écœurement digestif s’installait, l’estomac avait tout simplement besoin de solide, besoin de mastiquer, d’avoir l’information du cerveau que de la vraie nourriture arrivait enfin .La méthode cyrano commençait à payer depuis un bon moment déjà, plusieurs coureurs faisaient l’élastique entre chaque ravitaillement .Ils s’y arrêtaient longuement et me dépassaient à une vitesse nettement supérieure à la mienne. C’est comme dans la fable du lièvre et de la tortue.
Tu traînes comme si tu n’avais plus l’ADSL, coupé par France
télécom pour non paiement de facture.
Laurent, ma secrétaire particulière, fut d’une efficacité
exemplaire sauf une fois où il m’a caressé le mollet avec la roue avant du vélo mais bon, on caresse ce qu’on peut …….
Jamais il ne s’est plaint malgré le froid qui le tétanisait, l’engourdissement et la monotonie ; « Chapeau bas mon pote ! ». Il a du sacrément fantasmer
sur mon légendaire popotin si souvent photographié mais inégalable.
Joyeux préservatif distribué à une jeune fille qui s’est empressée
de me le prendre dans la main (non non pas ailleurs) le petit gars qui l’accompagnait se régalait d’avance.
J’ai taquiné leurs amis qui les devançaient de quelques mètres en
leur relatant l’anecdote, l’un d’entre eux m’a dévoilé que c’était sa petite amie …… oupssssssssss
T’en connais beaucoup toi des coureurs qui ont des préservatifs
dans leurs poches lors d’un cent bornes ?
Au tour suivant, deux jeunes nous encourageaient tout en marchant,
une bouteille de 75 cl à la main ; Et ben, croyez moi si vous voulez, mais en pleine nuit noire j’ai reconnu que c’était de la 3 monts .Comme deux ronds de flan nous les avons laissés,
ébahis « comment vous savez monsieur ? » « l’expérience mon gars l’expérience, excellent choix, félicitations ».
En effet un cent bornes commence au 70 kilos, mon fichu mental a
pris le relais. J’ai joué de la dérision de l’humour, j’ai même chanté à tue-tête avant d’entamer la dernière boucle mais mon regard ne fuyait pas mon but. J’estimais ma moyenne « cyrano »
comprise entre 8,5 et 9 km/h.
Sauf erreur de ma part, j’ai tourné à 8,47 de moyenne sur
l’ensemble de l’épreuve.
J’ai forgé ma propre enclume sur laquelle j’ai modelé ma force de caractère.Rien n’est gagné, même au 95ème kilomètre, mais depuis quelques minutes la détermination est reboostée, on se tire la bourre avec David sur le dernier tour lui à « l’élastique »et moi à la « marelle » .Je lui dis de partir, de ne pas m’attendre, une dernière sporténine et une goulée de coca et le festival fifi commence. Peu à peu ma vitesse kilométrique augmente, elle tutoie à nouveau les 8 voire 9 km/h, je sais que plus rien ne peut m’arriver, que j’interdirai qui que ce soit de me barrer la route, de s’interposer entre moi et l’arrivée.
99 ! Punaise, les yeux brillent, les dents se serrent ainsi
que les poings.
Les 100 derniers mètres j’envoie toute ma rage, toute ma haine,
toute ma force, toute ma vie, tout, tout absolument tout. Mes proches venus spécialement pour m’encourager ne peuvent me suivre sur cette distance, mon sprint en ferait pâlir plus d’un sur un 10
kilos.
Que dire …. Merci à vous tous et toutes vous m’avez porté
toute la nuit et pourtant vous me supportez parfois sur le forum. Un grand nombre de kikous est venu spécialement pour nous encourager, faire une ou plusieurs boucles avec nous, certains même ont
fait le déplacement de loin voire même en famille. Les plus téméraires ont peu dormi et se sont précipités pour le final pour être là quand l’apothéose aura lieu.
Vos visites, messages, appels téléphoniques resteront gravés à jamais en moi. J’ai même changé la sonnerie du portable car depuis je ne la supporte plus. Je devenais
drôlement irritable sur la fin.
Analyse globale:
Positive :
Une organisation irréprochable
Des bénévoles présents à chaque coin de rues h
24
Un suivi radio en permanence, des navettes à la carte pour aller
rechercher ceux qui abandonnaient.
Des ravitos tous les 3 kms fournis
royalement.
Négative :
Les bas-côtés de la route parfois avec un fort pourcentage de
dévers, des trous dans lesquels j’ai frôlé l’entorse à deux reprises.
Un passage des plus glissant dans l’exploitation agricole que l’on
traverse.
Analyse personnelle :
Positive :
Préparation matériel
Stratégie de course
Mental résistant à toutes épreuves
Négative :
Tube de vaseline de chez d 4 dont l’orifice est trop étroit, j’ai
perdu un temps fou à essayer d’en extraire une dose correcte. Un mail de mécontentement s’impose, logique, la vaseline se fige en baissant en température.
David qui ne boit jamais d’alcool a fait honneur à ma chope, ce fut pour moi un grand moment d’émotion également. Certains sont venus dans le nord pour
la première fois, ils y reviendront tous.
Une pensée toute particulière pour ceux qui ont vu leur rêve s’envoler dans l’abandon.
14h00'38"...............